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Nous sommes en 2001. La Cour des comptes fédéraux examine la pratique de placement des demandeurs d’emploi par le Arbeitsamt (ANPE/Assedic en Allemagne) de cinq villes : Bremerhaven, Dortmund, Halle, Francfort/Oder und Neuwied. Les inspecteurs comparent le nombre de placements enregistré dans les ordinateurs des administrations avec les placements réels.
Résultat: jusqu’à 70% des chiffres sont faux.

L’office fédéral du travail en est officiellement informé. Son président, monsieur Jagoda, insiste pour que chaque chaque cas incriminé soit examiné de nouveau, mais l’examen reste confirmé. Monsieur Jagoda informe le ministre du Travail de cette époque, Monsieur Riester. La Bundesanstalt für Arbeit (BA, agence fédérale pour l’emploi) donne finalement l’information embarrassante à la presse, où la réaction sera forte: certaines personnalités demandent la démission de Jagoda, mais Jagoda reste. « Il ne veut pas quitter le bateau lors d’une tempête ». Le ministre Riester demande à ce que les faits soient élucidés dans dans le moindre détail, et il donne un ultimatum(1). Après quelques discussions, Rister annonce le remplacement de Jagoda, qui se cramponne à son poste, mais cède finalement aux pressions publiques et démissionne le 20 février 2002.

Intéressant le fait que l’administration de Nuremberg a réussi de retenir les faits embarrassants pendant 6 mois – ils auraient dû être publié déjà au printemps 2001.
Cette usine à gaz de 100.000 collaborateurs prétendait qu’un tiers des demandeurs d’emploi ne cherchaient pas de travail. (Résultat d’une enquête d’opinion du bureau « infas » – il faut le faire : demander les gens dans la rue s’ils croient que les chômeurs cherchent vraiment un travail, et publier le résultat comme la vérité vraie). Maintenant c’est la BA même qui est dans le collimateur (croyez-vous que la BA réussit à aider les chômeurs…). Non, on ne leur croit plus, car ils ont menti. De tous les chômeurs qui ont retrouvé un travail, 51 % le devraient aux efforts de la BA, mais la réalité après l’enquête est toute autre: ce ne sont que 18 % (2). D’autres chiffres effrayants errent dans les journaux: que 10% du personnel de la BA s’occupe du suivi du chômeur, les 90% qui restent s’administrent eux-mêmes.

2002 – Fin du premier mandat du chancelier Schröder qui réussit sa réélection. Il faut mettre de l’ordre dans tout ça. Le gouvernement crée une commission « Prestations modernes de service au marché du travail » qui doit plancher sur le sujet, et les réformes pleuvent. La commission est présidée par le manager et membre de la direction de la Volkswagen AG, Peter Hartz, sur la demande d’aide du chancelier Schröder. Hartz, un spécialiste d’envergure dans la haute finance, il doit savoir ce qu’il faut faire pour faire retravailler les 4 millions chômeurs, chiffre officiel du nombre de chômeurs en 2002. (Plus tard, Hartz se révèlera non seulement un manager de haut niveau, mais aussi un escrot de haut niveau. Il sera condamné pour malversations (2,6 millions euros) et corruption à une peine de deux ans de prison avec sursis et une amande de 576.000 euros)

Le gouvernement Schröder commencera alors le plus grand démontage social en Allemag depuis la fin du 19e siècle. Cela est d’autant plus déroutant que le SPD, proche des syndicats, parti sociodémocrate dont Schröder est membre depuis 1963, s’appuie sur une tradition de lutte pour la justice sociale et la solidarité depuis la fin du 19e siècle.

Les réformes se précipitent, et 2003 le plan Hartz 1 est né. Suivent la réforme de la réforme, la réforme de la réforme de la réforme etc. jusqu’au plan Hartz 4, entré en vigueur en janvier 2005, dont voici les grandes lignes :

  • Réduire le coût du chômage pour les caisses de l’État
  • Rendre plus efficaces les efforts de la « Bundesanstalt für Arbeit » (Agence fédérale pour l’emploi – dont les statistiques accablantes avèrent que 90% de son personnel travaille en administration et seulement 10% s’occupe du suivi des demandeurs d’emploi…)
  • Rendre plus efficaces les efforts de la « Bundesanstalt für Arbeit » (Agence fédérale pour l’emploi – dont les statistiques accablantes avèrent que 90% de son personnel travaille en administration et seulement 10% s’occupe du suivi des demandeurs d’emploi…)
  • Fusion des allocataires de chômage Alg2 (comparable à l’ASS) et de Sozialhilfe (comparable au RMI)
  • Encouragement financier des entreprises qui créent et sécurisent l’emploi (ce qui n’empêche pas l’encouragement financier des grandes entreprises qui en détruisent…)

Monsieur Hartz et le chancelier Gerhard Schröder courent les caméras et crient victoire avant la bataille : les 4 millions de chômeurs officiels de l’époque seront réduits à 2 millions en l’espace de quatre ans, durée de la législature ! Schröder promet, sûr de lui, qu’il ne se représentera pas aux prochaines élections s’il n’atteint pas cet objectif ô combien ambitieux.

En 2005, quand la coalition SPD/Les Verts a perdu l’élection dans le dernier Land et que le chiffre du chômage fut à son apogée, Schröder posa la question de confiance, mesure de dernier recours pour une démocratie en crise, son gouvernement n’étant plus crédible et n’ayant plus de majorité dans aucun des länder. La SPD a mis en place une politique antisociale sans précédent. Jamais la CDU/CSU (conservatrice/droite) n’a osé pratiquer une telle politique. Voilà l’addition, et malgré sa promesse on n’oublie pas la hargne avec laquelle Schröder s’est accroché à sa place de chancelier en septembre 2005 face à Angela Merkel et face aux 4.650.000 chômeurs, ayant raté son but de la bagatelle de 2.650.000…

Jusqu’ici pas grand chose à dire, on connaît la musique, ou au moins on reconnaît certaines mélodies. Voyons de plus près comment ces mesures se traduisent concrètement.

Pour comprendre la suite, d’abord un petit glossaire :

Le Plan Hartz « x » est un ensemble de mesures, résultat de concertations de la commission prestations modernes de service au marché du travail, validé et mis en œuvre par le gouvernement et les administrations compétentes. (Le « x » étant un entier naturel qui vaut 4 aujourd’hui et augmente avec le temps…)

L’Alg1 (abréviation de Arbeitslosengeld 1) est l’allocation que reçoit un salarié qui a perdu son emploi « durable ». Le montant se calcule en fonction du salaire brut et de sa durée. Il correspond à peu près à l’ARE en France.

L’Alg2 est l’allocation qui remplace l’Alg1 arrivée à son terme. Elle est similaire à l’ASS en France. Un demandeur d’emploi peut être obligé de recourir directement à l’Alg2 s’il n’a pas travaillé suffisamment longtemps avant la perte de son emploi.

La Sozialhilfe est l’équivalent du RMI, une allocation qui est censée protéger le citoyen de la pauvreté. Dans le passé, il n’y avait pas de lien direct entre le travail et la Sozialhilfe qui devenait opérante uniquement si une personne n’avait pas ou peu de ressources.

Le Marché premier du travail (Erster Arbeitsmarkt) est l’ensemble des emplois correctement payés avec des cotisations sociales, non subventionnés par l’état.

La Bundesagentur für Arbeit (BA) est l’équivalent de l’Agence nationale pour l’emploi et Assedic.

Maintenant les idées:

Pour minimiser les dépenses de gestion de la Sozialhilfe et de l’Alg2, monsieur Hartz et sa commission ont eu l’idée de fusionner les deux administrations en une (cela vous rappelle quelque chose ?), ce qui revient à inclure la notion de travail dans la Sozialhilfe. Publiquement, il explique cette mesure par une « meilleure efficacité et une meilleure réactivité », mais sans avouer son vrai sens : faire travailler à tout prix les allocataires de la Sozialhilfe.

Depuis la réforme, on ne distingue plus Alg2 ou Sozialhilfe, sinon des personnes aptes ou inaptes à travailler. Pour les personnes aptes au travail il n’y a plus de Sozialhilfe mais l’Alg2, donc l’obligation de s’inscrire à la Bundesagentur für Arbeit avec tout ce que cela implique. Officiellement est « apte au travail » une personne qui peut travailler au moins 3 heures par jour. Depuis 2005, ce critère a été modifié : seulement des malades chroniques, des préretraités, des enfants et des personnes temporairement inaptes seront considérés dans le dispositif de la Sozialhilfe. Tous les autres se retrouvent en Alg2.

Cette modification de critère a été courageuse dans la mesure où elle a augmenté les statistiques du chômage, et ces personnes auparavant invisibles dans un contexte de travail sont devenues visibles. Mais l’impact sur la vie réelle des gens est impitoyable: Même des personnes dépendantes de drogues, des malades mentaux et des invalides avec un taux de handicap au dessus de 80% se retrouvent devant un conseiller de la Bundesagentur für Arbeit qui exprime envers eux des exigences totalement irréalisables. Cette exigence génère soit une grande souffrance chez ces personnes incapables de répondre positivement aux projets demandés, soit elle les expulse du dispositif (radiation) ou diminue significativement leur allocation. Cela représente donc une baisse de qualité de vie énorme, du côté financier comme du côté humain.

Sachant que l’Alg1 coûte cher à la BA, la réforme à réduit considérablement les droits dans la durée. Avant la réforme, une personne qui avait travaillé pendant 5 ans ou plus pouvait prétendre à l’Alg1 jusqu’à 3 ans. Maintenant, c’est terminé. Vous pouvez avoir travaillé et contribué à l’assurance-chômage pendant 20 ou 30 ans, à la perte de votre emploi, vous aurez l’Alg1 pendant un an maximum : après, c’est la dèche.

Une autre « astuce » du plan Hartz 4 est un système de « motivation à la réussite » pour les agences de l’emploi par une sorte de punition. Si les agences de l’emploi (rebaptisées Job Center comme en Angleterre, ça sonne plus professionnel…) ne réussissent pas à insérer le demandeur d’emploi dans le Marché premier du travail dans les 12 mois qui suivent, elles doivent s’acquitter d’une somme de 10.000 euros aux Länder. L’allocataire Alg1 coûte donc doublement s’il reste au chômage au-delà des douze mois. Cette épée de Damoclès fait l’effet d’un coup de bâton dans une fourmilière. On s’excite entre des entretiens, des formations à la va-vite et des carottes en forme de récompense : pour chaque lettre de motivation, le demandeur d’emploi recevra 5 euros (dans un nombre limité quand même pour éviter qu’il ne pose sa candidature que dans le but de les recevoir).

La grande réforme vise à accélérer la reprise de l’emploi. Le salarié est obligé d’informer la Bundesagentur für Arbeit de son licenciement même s’il effectue un long préavis. Également, s’il n’y a que présomption de perdre son travail, le salarié doit en informer son agence sous peine de voir passer à la baisse ses allocations si cette menace se réalise !

Ont été définis de nouveaux critères d’acceptabilité d’un emploi au niveau géographique, matériel, fonctionnel ou social. La situation de famille sera prise en compte. On demandera une mobilité géographique quasi totale à un célibataire sans enfant, ce qui ne sera pas le cas pour un chômeur qui a une responsabilité familiale.

Pour encourager l’embauche des chômeurs plus âgés, deux possibilités :

=> une baisse des charges sociales des entreprises qui recrutent un « senior » + un complément de salaire par l’État si le « senior » accepte un emploi à basse rémunération,
=> une sorte de préretraite où le « senior » ne sera plus suivi par la BA (comme nos DRE, dispensés de recherche d’emploi) et recevra une allocation – de misère – d’un autre organisme, en gardant la sécurité sociale.

Donc, dans les deux cas, le chômeur âgé disparaît des statistiques

Les encouragements à la création de « SARL solo » ou des « SARL famille » n’ont pas fait leur preuve. Beaucoup ont essayé, désespérés ou dégoûtés du suivi musclé et arbitraire de la BA, pour déposer le bilan l’année suivante et se retrouver au même point de départ avec un échec en plus.

Vous n’avez pas réussi l’objectif de retrouver un emploi dans les douze mois : votre vie va changer. Votre conseiller vous en veut, car il n’a pas pu empêcher la perte de 10.000 euros à son service, son directeur l’en tient personnellement responsable et le voit d’un mauvais oeil, ce qui ne vous sera pas favorable pour la suite.

(1) – chronique d’une affaire de statistiques

(2) – Les combines du « Arbeitsamt »

One Response to “Allemagne: les dessous du plan Hartz – Le début”

  1. Jeridi Anis dit :

    bnjour monsieu:
    je m’apelle Jeridi Anis j’ais un diplome de technecien superieur de tourisme et patrimoine j’ais travaillé pour 3 ans dans une société francaise dans l’animation comme responsable mini-club et animateur polyvalent j’ais étudié l’allemand ,l’italien et l’anglais.
    j’aime bien avoir une poste pour travailler on allemagne pour des reson familiale.
    j’espére avoir une bonne reponse de votre côté
    merci pour votre comprehension