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24/10/2008 18h13

Conférencier : Rolf Gössner

Le BigBrotherAwards dans la catégorie « Europe (UE) » est remis au

conseil de l’Union européenne (conseil des ministres de l’UE) à Bruxelles,
représenté par
le président du conseil Bernhard Kouchner/secrétaire général Javier Solana.

Le conseil de l’Union européenne reçoit le BigBrotherAward (BBA) pour la liste terroriste européenne dont il porte la responsabilité. Dans cette liste, de nombreuses organisations et individus sont tenus comme « terroriste » et subissent des sanctions sévères qui mènent à des violations graves des droits de l’homme. Ce rassemblement de données n’est pas démocratiquement légitimé ni soumis à un contrôle démocratique. Pendant longtemps les concernés n’ont même pas eu droit d’être entendu sur un plan juridique, encore moins une protection juridique ne leur a été accordée contre cette stigmatisation officielle.

A la suite de l’attentat du 11 septembre 2001, l’UE a publié un décret qui interdit à tous les états membre, leurs institutions publiques et privées et leurs habitants de financer des personnes et organisations soupçonnées de terrorisme et d’avoir des relations commerciales avec celles-ci. Depuis ce temps, les personnes qui sont suspectées être ou soutenir des terroristes sont mises sur une « liste noire » par décision du conseil des ministres de l’UE ; cette liste est toujours actualisée.

La liste terroriste UE est établie par une commission du conseil des ministres qui siègent secrètement. Les décisions sont consensuelles, les motifs de suspicion et les indices se basent la plupart du temps sur du renseignement douteux des services secrets de pays membres. Une expertise indépendante des cas s’appuyant sur des preuvres solides n’existe pas. C’est pourquoi l’enquêteur spécial chargé par le conseil européen, Dick Marty, constate avec effroi de n’avoir rarement vu quelque chose de si injuste comme l’établissement de cette liste dont la procédure est, d’après lui, « perverse ».

Quant aux sanctions prononcées, Marty parle d’une « peine de mort civile » et décrit dans son rapport fin 2007 de façon très explicite ce que signifiait l’enregistrement dans la liste terroriste UN : les concernés n’en étaient pas informés, ils en avaient pris connaissance quand ils s’apprêtaient à passer une frontière ou voulaient disposer de leur compte bancaire. Il n’y a pas d’accusation, aucun avertissement ni audition juridique, aucune limite dans le temps et aucun moyen juridique pour se défendre. Une fois sur la liste, s’en est finie avec la vie normale. On est hors-la-loi, politiquement banni, économiquement ruiné et socialement isolé. Tous les biens financiers sont gelés, les comptes bancaires et cartes de crédit bloqués, l’argent liquide confisqué, contrats de travail et d’affaires annulées. Les salaires et allocations sociales ne peuvent plus être versées ; s’y rajoutent la confiscation du passeport, l’interdiction de sortie du pays et des mesures de surveillance et de recherche.

Tous les États de l’UE, toutes les banques, partenaires d’affaire, employeurs, finalement tous les citoyens de l’UE sont obligés d’appliquer les sanctions radicales contre les personnes concernées sous la peine d’être poursuivis à leur tour par la justice. Pour éviter cela, nombre d’administrations et d’entreprises utilisent des logiciels particuliers qui coûtent cher, pour ajuster et maintenir actuelles les données de leurs clients, fournisseurs et personnel avec celles qui se trouvent sur la liste terroriste.

L’enquêteur spécial Dick Marty juge la méthode utilisant la liste comme une source d’erreurs potentielles. De simples soupçons ou une erreur d’homonyme suffisent pour que des personnes non impliquées se retrouvent sur la liste ; dans ces cas-là les concernés doivent prouver leur innocence dans des circonstances pénibles.

L’UE avec la liste terroriste dans la lutte contre le terrorisme se sert en quelque sorte elle-même d’un instrument de terreur dans l’arsenal du soi-disant droit pénal – un droit spécial contraire aux droits de l’homme contre de prétendus ennemis d’État qui sont pratiquement écartés du droit et mis dans un isolement social. Leur punition draconienne se passe en amont et est exécuté en dehors d’un espace juridique – sans loi et sans jugement. Un tueur en série a davantage de droits qu’une personne que se retrouve sur la liste terroriste. La réunion du conseil européen et l’avocat général de la Cour européenne l’ont enfin compris.

Malgré la privation systématique des droits des personnes sur la liste, quelques plaintes ont trouvé le chemin jusqu’à la Cour européenne au Luxembourg. Depuis, quelques jugements déclarant l’enregistrement de certaines personnes et organisations sur la liste terroriste et le blocage de leurs moyens financiers pour illégal et nul existent. D’après les juges, leurs droits à une audition juridique et une défense efficace auraient été bafoués.

Depuis, les listés ont été entendus pour la forme, mais concrètement rien n’a changé pour eux. Ni ils ont été rayés de la liste, ni les fonds gelés ont été débloqués ou les sanctions annulées. Cela signifie que les commissions secrètes du conseil européen ont maintenu cette procédure de liste – dans l’absence totale d’un sens de justice – butés dans leurs décisions.

Les bannis sont restés bannis – avec toutes les conséquences de privation de liberté, en violant la présomption d’innocence et la convention européenne des droits de l’homme, sans espoir d’être dédommagé un jour.

Félicitations, Conseil UE des ministres, pour cette performance antiterroriste.

Source: bigbrotherawards.de

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