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Interview diffusée le 4 avril sur la radio allemande Radio F.R.E.I., Erfurt

Auteur : Frank

Podcast/source : freie-radios.net – licence : Creative-Commons

Transcription/traduction : Stephan M.

Günter Wallraff est un journaliste d’investigation allemand qui pratique depuis bientôt 40 ans la méthode de l’immersion dans différents milieux de travail. Ses enquêtes vont du journal à scandales Bild aux usines, des centres d’appels aux chaînes de supermarchés low cost. Il étudie les conditions de travail des salariés et découvre des choses que personne n’aurait cru possibles.. Dans ses publications il dénonce les conditions de travail éloignées du code du travail, le harcèlement, le chantage et d’autres situations illégales, mais il ne se contente pas de dénoncer. Il fait tout son possible pour faire cesser les conditions inacceptables et améliorer la situation. Avec son argent personnel, il crée une fondation afin de perpétuer son travail en finançant de jeunes journalistes pour de futures enquêtes. Dans l’interview présente qu’il donne à l’occasion de son livre « Parmi les perdants du meilleur des mondes » il parle de son parcours, de ses motivations, de ses méthodes d’investigation et des réactions que ses publications et actions ont suscité.

Frank : Günter Wallraff, depuis au moins quarante ans vous enquêtez secrètement dans les rôles les plus divers. Parfois vous travaillez dans la rédaction du journal BILD, une autre fois vous êtes un travailleur turque chez Thyssen ou récemment vous étiez Frank K. dans une boulangerie industrielle. Monsieur Wallraff, qu’est-ce qui vous motive depuis plus que quarante ans de faire des enquêtes secrètes dans des entreprises allemandes ?

(Photo : auteur : Elke Wetzig – GNU – copyleft)

Günter Wallraff : Il y a plusieurs raisons à cela. Je suis capable d’apprendre, j’ai une nature plutôt méditative et je vois le bien dans l’homme, mais quand je joue un rôle je découvre un monde complètement différent, une autre société. Mais il y a aussi une appartenance; je me sens plus proche de ceux qui ne font pas partie de nous, car je me sens étranger dans une société dont les valeurs dominantes sont l’exploitation et la prise d’avantage, où les gens sont jugés d’après leur statut social et leur prestige. Leur valeur artificielle provient de ce qu’ils font aux dépens des autres. Il y a peut-être encore quelques traces chrétiennes en moi, mais l’envie de vivre des aventures compte aussi et surtout un sens de la justice. Depuis le temps et à cause d’une certaine acceptation je peux aussi améliorer des choses. Quand je suis sur place, je peux dénoncer des situations intolérables, mais je peux aussi aider à améliorer des situations et faire en sorte que des gens obtiennent justice.

Frank : Quand on lit votre dernier livre on est choqué de nouveau des expériences que vous faites, ce que vous vivez pendant quelques semaines ou quelques mois, c’est ce que d’autres doivent vivre pendant de nombreuses années. Un des derniers reportages portait sur une boulangerie industrielle qui produit pour la chaîne Lidl. Racontez-nous un peu ce que vous avez rencontré comme conditions de travail.

G. Wallraff : Ce que j’ai vécu n’est malheureusement pas une exception, entretemps j’ai reçu des lettres et visites d’autres personnes qui vivent des conditions semblables dans d’autres sociétés. Je n’exagère pas quand je dis que l’on se sent dans un camps d’internement. Même les collègues disaient : espérons que nous soyons bientôt licenciés. Je leur dis : mais pourquoi ne vous démissionnez pas ? Et ils me répondaient : Si nous faisons cela, nous devons renoncer à l’allocation de chômage pendant des mois. Le propriétaire de cette boulangerie a essayé de tirer le maximum des gens et des machines. Il n’y avait pas d’investissement, la chaîne était souvent bloquée et les tôles brulantes nous tombaient dessus. Nous devions mettre les mains dans la machine en train de marcher pour relancer la chaîne. Tous ont eu des brûlures, moi aussi, sur les bras, sur le corps. Il n’y avait même pas une trousse de secours et des pansements, il n’y avait rien. Mais maintenant il y a une plainte en cours contre le propriétaire pour coups et blessures. Le temps de travail réglementaire n’était pas respecté. Quand Lidl passait une commande plus importante on devait travailler quatorze heures sans pause; certains devaient travailler tous les jours pendant deu ou trois semaines sans un seul jour de repos. Mais il arrivait aussi que la commande de Lidl était moins importante Alors, on nous disait quand on arrivait le matin après un long trajet : rentrez chez vous. Donc on n’était pas payé. Quand on travaillait des jours fériés on n’avait pas la majoration réglementaire. Beaucoup n’étaient même pas payés quand ils étaient arrêtés pour maladie, c’étaient surtout les étrangers. C’était une privation de droits qui rapellait la période du début du capitalisme. Le site était surveillé par des caméras. Le propriétaire pouvait accéder aux caméras par internet. Il pistait les collègues dont il voulait se débarrasser même pendant la nuit. Une fois il a vu une salariée s’occuper de choses syndicales; il a vu cela depuis sa chambre à coucher. Il lui a donc envoyé un avertissement. Une autre fois il voyait depuis sa chambre à coucher qu’une salariée portait un pantalon de travail gris au lieu d’un blanc. Ce ne sont que quelques exemples. En ce qui me concerne je n’y ai travaillé que pendant un mois. J’ai dû me donner une apparence plus jeune, j’ai une bonne maquilleuse qui m’a aidé. Là j’avais 49 ans, sinon on ne peut plus avoir ces jobs. À la fin du mois j’avais atteint la limite de mes forces malgré une bonne préparation physique. Je cours le marathon en quatre heures, j’avais fait aussi de la musculation, mais j’étais vraiment exténué, je n’aurais pas pu tenir plus longtemps.

Frank : Des représentants de groupements économiques diraient probablement que bon ce sont des brebis galeuses, ce sont des exceptions malheureuses dans le secteur. Que répondriez-vous, avec l’expérience que vous avez, est-ce que ce sont des exceptions rares ou ces conditions en Allemagne sont-elles de plus en plus une réalité ?

G. Wallraff : Chaque semaine, je reçois des douzaines de lettres, de dossiers et des visites. Malheureusement on a l’impression que ce sont des structures qui s’incrustent aussi dans la catégorie des salaires moyens et par la crise économique qui évolue vers une crise systémique, on a le sentiment qu’on profite de la crise. Dans certaines branches professionnelles on fait tout pour tirer le maximum de profit, vraiment tout ce qui est possible. En outre, il y a les lois Hartz qui permettent d’élargir excessivement le travail intérimaire. Pour cela nous pouvons dire merci au gouvernement Schröder, notamment un super-ministre Clement1 qui à l’époque a arrangé les lois de façon à pouvoir supprimer des contrats de travail stables pour les remplacer par des intérimaires qu’on peut embaucher et remercier à tout moment. (hire and fire). Aujourd’hui une nouvelle embauche sur deux est en intérim et précaire et une partie des nouveaux recrus doivent demander l’allocation Hartz 4 en supplément pour pouvoir assumer sa survie. Clement, ce super-ministre qui a promulgué des lois pour faire plaisir au secteur du travail intérimaire est aujourd’hui un lobbyiste puissant du deuxième groupe du travail intérimaire Addecco et a ainsi multiplié son ancien salaire de ministre. C’est ignoble. Une fois je l’ai rencontré dans une émission de télévision. Je ne pouvais pas me retenir et je lui ai posé la question – Monsieur Clement, avez-vous honte ? Je n’avais pas utilisé le terme traitre des travailleurs, mais il en est un. À l’époque il a utilisé le syndicat pour se faire placer dans sa carrière de ministre fédéral. Il fait partie d’une certaine sorte de politiciens qui heureusement n’est pas la majorité, mais leur nombre augmente. Cette prise d’intérêt, cette corruption, cela ne crée pas vraiment de la confiance en politique, surtout chez les jeunes.

Frank : Vous enquêtez en secret, mais à un moment vous vous adressez au public, vous donner des noms de sociétés, d’entreprises. Quelles sont les réactions quand les gens sont portés sur la place publique ?

G. Wallraff : D’habitude j’étais toujours accompagné par une « musique » : on m’a fait des procès, des campagnes. J’ai toujours fait face et assumé et j’ai gagné tous les procès. Je n’ai pas simplement de bons avocats, depuis quelque temps je peux évaluer la situation. J’ai toujours des témoins, des déclarations sur l’honneur. Il ne suffit pas d’avancer ce que j’ai vécu tout seul. De ce point de vue mes livres sont aujourd’hui juridiquement expertisés. Il est intéressant de constater que malgré un tirage de 150.000 exemplaires de ma nouvelle publication « Parmi les perdants du meilleur des mondes » pas un seul procès a été engagé à mon encontre. J’ai l’impression que les concernés essaient aujourd’hui de se faire oublier, car ils ont compris qu’ils seront placés davantage sur la scène publique s’ils me font un procès. Pour moi c’est assez agréable car affronter un procès n’est pas très productif, c’est du temps perdu que je pourrais utiliser ailleurs, c’est nerveusement épuisant et cela coûte de l’argent. Dans mon livre je parle d’un de ces avocats dans le chapitre « Les avocats de la terreur – la violence ». Il y a toute une clique d’avocats qui conseillent des entrepreneurs dans tout le pays comment l’entreprise peut se débarrasser de collaborateurs indésirables et il ne s’agit pas de mesures juridiques, mais de harcèlement moral, comment construire des situations pour justifier un rappel à l’ordre, comment en utilise des détectives pour piéger quelqu’un, ils jouent donc le rôle d’un agent provocateur. Cela va même jusqu’à faire intervenir un détective pour construire un « harcèlement sexuel » pour faire partir une personne encombrante comme un responsable des délégués du personnel qui défend le salarié harcelé. Un de ces avocats a publié un livre « Comment virer les invirables » dans lequel il préconise des méthodes illégales. Ce sont des méthodes pour briser la force morale où on pousse des gens jusqu’au suicide, j’ai fait des recherches là-dessus. J’ai rencontré l’auteur de ce livre dans une émission de télévision et je lui ai dit vous êtes un danger public, un type comme vous doit être rayé du barreau. Le mec faisait sa pub dans l’émission, il était vraiment répugnant, mais il n’est pas exclu qu’il y trouve de nouveaux clients. Je lui ai proposé de me faire un procès. Je lui payerais un bon avocat. Un tel procès aurait donné la parole aux victimes de ce type et aurait eu une attention médiatique, mais évidemment il ne m’a pas rendu ce service.

Frank : Vous enquêtez en allant dans les entreprises, en prenant une autre identité et en y travaillant pendant quelques semaines ou quelques mois. Vos collègues avec qui vous êtes en contact, y restent après votre enquête, après sa publication. Quelles sont leurs réactions à votre publication ?

G. Wallraff : Ils sont aux anges : enfin quelqu’un qui l’a fait. Je reçois des lettres et des visites. Dans des manifestations il y a des inconnus qui viennent me dire je trouve bien ce que vous faites. Vous pouvez avoir mes papiers, je suis au chômage ou en ce moment je n’en ai pas besoin.. Ou par exemple dans la boulangerie industrielle qui a produit pour Lidl un collègue m’a reconnu; il ne me l’a pas dit pour ne pas m’inquiéter et seulement à la fin de mon enquête il est venu me voir et a dit c’est formidable ce que vous faites. Dans aucun cas un collègue m’a fait un reproche de ne pas l’avoir mis au courant. Tous ont bien été conscients que je devais procéder ainsi pour ne pas mettre mon enquête en danger. Mais quand c’est fini, j’ai de nouveaux amis, je reste aussi en contact, je gagne des procès pour eux et j’obtiens quelque chose pour eux. Dans la boulangerie par exemple, par la pression publique ils ont obtenu 24% d’augmentation de salaire, car c’étaient des salaires de misère qui étaient payés. De plus, ils ont pu créer un comité d’entreprise qui a la confiance des collègues. La surveillance vidéo a dû être arrêtée. Parfois il y a donc des améliorations à la fin, mais il y en a plus dans le passé récent.

Frank : La boulangerie était dépendante de Lidl qui était son seul client. Quand on va sur le site internet de Lidl on peut lire la phrase : En tant qu’entreprise responsable il est de notre soucis de concilier les questions écologiques et sociales et d’être à la hauteur de votre confiance. Que pensez-vous quand vous lisez une telle phrase quand vous voyez le résultat de vos enquêtes et vos expériences ?

G. Wallraff : C’est de l’auto-flagornerie. C’est du blabla que l’on rencontre dans des sectes. D’ailleurs c’est pareil chez Starbucks.1 Là, une grande partie du personnel est venu me voir pour me dire qu’ils sont pressés comme un citron, qu’il y a des clients mystères qui nous donnent une note. Ils enregistrent si on sourit ou pas. Nous n’en pouvons plus. Pour justifier cela, ils écrivent : « Nos partenaires (c’est comme cela qu’ils appelent les salariés) nous sont précieux. » On voit là une structure de secte. J’ai rencontré ce principe dans beaucoup de domaines, on n’a pas besoin d’être membre de la scientologie. Des grands groupes comme Lidl ou Schlecker par exemple empêchent la formation d’un comité d’entreprise. Chez Schlecker l’ensemble du personnel a subi du chantage pour se faire sous-traiter. Il y avait des salariés avec une ancienneté de 20 ou 30 ans à qui on a dit : soit vous acceptez un licenciement économique soit vous signez un contrat dans une société de sous-traitance et vous travaillez pour nous pour la moitié de votre ancien salaire, avec la possibilité d’être licencié à tout moment. On rencontre ce type de chantage de plus en plus souvent. Au niveau national on a l’impression que la société est divisée dans une couche de plus en plus pauvre et une autre qui est de plus en plus riche. Les gens naissent pauvres et restent pauvres. C’est une tension qui met la démocratie en danger.

Frank : Revenons à un autre secteur d’activité que vous avez examiné pendant ces dernières années, celui des centres d’appel. C’est un secteur relativement jeune. Comment avez-vous fait pour y entrer, car vous avez maintenant un certain âge.

G. Wallraff : Vous avez raison, j’ai dû « rajeunir ». Je m’y suis présenté ayant 49 ans. Mais l’âge n’est pas vraiment décisif. Il y a parfois des gens encore plus âgés. J’ai connu un homme qui avait des difficultés économiques, sa société était en redressement judiciaire. Cet homme avait 55 ans, et il a dû vendre des billets de loterie, un truc pas très légal, c’est lui qui m’a donné l’idée. En fait les centres d’appel sont en pleine ascension : 500.000 salariés et chaque années il y a 40.000 salariés de plus. Les centres d’appels sortants à 80 % sont une arnaque. Un des gérants me l’a dit directement devant la caméra. – Oui vous avez raison, tout ce secteur n’est qu’une grande arnaque, mais on ne peut pas faire autrement, la concurrence est rude et les autres sont pires que nous, m’a-t-il dit. Il a poursuivi – chez moi il y a les meilleures conditions de travail, des bureaux clairs, une technique moderne, du café gratuit (sur ce point j’ai dû lui donner raison). Mais j’ai rencontré des conditions où des victimes sont transformés en bourreaux. Des gens qui sont sans emploi, des jeunes ou ceux qui n’ont aucune chance de trouver un emploi sont poussés à vendre des contrats avec des méthodes frauduleuses, sinon ils n’arriveront jamais à remplir leur quota. De toute façon ils n’y arrivent pas. Seulement une minorité peut vivre de ce travail. Il y a beaucoup qui doivent demander Hartz 4 comme complément de salaire. Le taux de turnover du personnel est très élevé, peu de gens ne supportent ce travail inhumain plus longtemps que six mois. Les absences pour maladies sont extrêmement fréquents. Des dépressions nerveuses, des acouphènes, syndromes de burnout. Il y en a qui ne peuvent faire face aux pressions qu’à l’aide de puissants stimulants. Dans un cas du deuxième centre d’appel en Rhénanie-du-Nord-Westphalie le chef d’équipe avait vendu de la cocaïne pour que les gens soient « chauds » au téléphone avec le triste résultat que les gens ont développé une dépendance à la cocaïne.

Frank : Vous venez de le dire, le secteur des centres d’appel est un secteur croissant. Les gouvernements des Länder espèrent l’arrivée d’autres centres d’appel, pour cela ils donnent des subventions. Il y a des conditions à respecter pour rendre le marché plus attirant, pour créer des emplois. D’après vous devrait-il y avoir des normes à respecter si on veut faire appel aux subventions ?

G. Wallraff : A mon avis c’est la moindre des choses, surtout à l’est de l’Allemagne qui est une région avec une infrastructure insuffisante. Si je me souviens bien Halle est la ville la plus importante des centres d’appel à l’Est – ces centres sont subventionnés depuis des années. Il devrait impérativement y avoir des contrôles, normalement ces centres devraient être fermés, c’est de l’escroquerie institutionnalisée, à l’aide d’une sorte de lavage de cerveau des gens sont poussés à agir contre leur conviction. Celui qui refuse de céder est sanctionné par l’agence de l’emploi (!). C’est du vrai travail forcé.

Frank : Cela fait plus de 40 ans que vous faites des recherches dans des entreprises. Ces derniers temps vous parlez du « merveilleux monde du travail ». Si avec votre longue expérience vous regardez le passé et le comparez avec la réalité d’aujourd’hui, qu’est-ce qui a changé au cours des décennies, en quoi le monde du travail a-t-il changé ?

G. Wallraff : Quand j’ai commencé ce travail, j’entends le travail dans les usines, à la chaîne, à la tâche, du travail aliéné, la majorité des collègues avaient l’impression que les conditions de travail étaient dures, mais il y avait de l’espoir que la société peut évoluer dans le bon sens, vers de meilleures conditions sociales. Aujourd’hui ce principe de l’espoir n’existe plus. J’ai l’impression que nous sommes en chute libre, que beaucoup sont résignés, de nombreuses personnes vivent une longue mort psychique, elles n’osent plus défendre leurs droits. Mais je constate aussi un mouvement contraire chez les plus jeunes, je vois qu’ils se donnent une nouvelle orientation. Je vais souvent dans les écoles et cette activité est en train de se développer ces dernières années. Je pense qu’un nouveau mouvement social pourrait naître, normalement ce serait obligé vu les injustices sociales criantes. Or je dois avouer que l’industrie a réussi à détourner les gens de leur véritables intérêts par la stratégie du « panem et circenses » (pain et jeux de cirque), nous sommes aussi dans une société de plaisirs superficiels dont les plaisirs sont en train de nous conduire dans le vide. Si tous faisaient leur possible dans leur entourage, s’engageaient activement dans un syndicat – je ne parle pas d’une adhésion passive – s’ils créaient des représentations de jeunes et des délégués du personnel nous pourrions faire beaucoup plus que nous n’imaginons. Nous devons créer une démocratie directe, nous devons agir là où nous sommes, où nous vivons. Il ne s’agit pas de développer de grandes théories. On devrait apprendre de ses erreurs du passé. Nous devrions travailler au-dessus des partis politiques et sans dogme, sans idéologie.

Frank : Maintenant j’ai une question personnelle : Vous avez atteint un âge où la plupart des gens cessent de travailler et prennent leur retraite. Y aura-t-il une retraite pour un Günter Walllraff ?

G. Wallraff : Ah vous savez, le repos éternel va durer bien longtemps. Tant qu’il me reste des forces je vais continuer. Il faut savoir que ça me plaît aussi. Maintenant j’ai acquis une certaine réputation et je peux changer des choses sans publier. Tant de gens me contactent et me donnent des informations sur des conditions épouvantables. Alors, il m’arrive d’appeler la société en question, je demande le directeur ou l’entrepreneur et je lui dis : vous savez que j’ai appris des choses sur les conditions de travail. Je vous prie de changer cela, sinon je serais dans l’obligation d’en parler dans une publication. Et voilà, les choses changent. Sinon je suis en train de créer une fondation avec des bourses. Je serai peut-être soutenu par des syndicats et j’y mets aussi mon capital personnel, c’est dans le but que d’autres plus jeunes que moi peuvent faire ce travail en immersion là où le droit du travail est bafoué, où les conditions de travail sont dégradées, pour rendre ces choses publiques. Je voudrais multiplier les actions que j’ai menées tout seul. Cela pourrait devenir un mouvement social. Je continuerai ce travail tant que je le peux.


[1] Starbucks est une chaîne de vente de café (voir www.starbucks.fr). G. Wallraff y a également mené ses recherches et constaté des conditions indignes. Il leur atteste des « structures sectaires » qui appellent leur entreprise « famille », du lavage de cerveau « formation » et leur salariés et ouvriers des « partenaires » qu’ils pressent jusqu’à la dernière goutte. (source: Wikipedia)

2 Responses to “Du meilleur des mondes – Interview avec Günter Wallraff”

  1. [...] This post was mentioned on Twitter by Sir.chamallow【ツ】 and Théophano, Agnès Maillard. Agnès Maillard said: Du meilleur des mondes – Interview avec Günter Wallraff http://icio.us/ixn3w2 [...]

  2. maguy dit :

    Magnifique travail de traduction et chapeau bas pour Herrn Wallraff, quel courage !
    Il faut absolument apprendre à la jeunesse à se poser des questions, les vraies questions, passer au-delà des gadgets stupides et obsolètes après 6 mois, réfléchir, penser, ne pas consommer bêtement.
    Beau travail Stephan, digne d’être publié sur certains journaux, pour certains que l’économie allemande ferait rêver. Ils n’ont qu’à pas mettre de côté les bilingues, d’abord !