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(25/10/2008)

Conférencier : Werner Hülsmann

Le BigBrotherAwards dans la catégorie « santé et affaires sociales » est remi à la

caisse allemande d’assurance maladie des employés (DAK)[1],
représenté par
le PDG Prof. dr. h.c. Herbert Rebscher

pour la transmission illicite des données de 200.000 assurés malades chroniques à une entreprise privée sans en informer les assurés, et sans leur consentement.

Imaginez que vous soyez confortablement installés devant votre télévision, le téléphone sonne et vous décrochez. Une voix aimable vous raconte que vous êtes élu pour une offre exceptionnelle. Jusque-là, c’est comme un de ces nombreux appels de pub qui vous informent que vous avez gagné le gros lot ou l’abonnement à un journal. Quel est lien avec une caisse d’assurance maladie pour employés ? C’est simple : cet appel fait  de la pub, pas pour un prix que vous avez gagné, mais pour un programme de santé de la DAK. Des milliers de malades chroniques assurés à la DAK ont reçu un tel appel de la société Healthways International GmbH (SARL) depuis le mois de janvier de cette année.

Vu le nom de la société, on dirait qu’elle est américaine, et c’est effectivement le cas : il s’agit d’une filiale de Healthways Incorporated qui a son siège social à Nashville aux Etats-Unis. Cette entreprise, fondée en 1981 et cotée en bourse, se dit elle-même la plus grande et la plus expérimentée société dans le management dans la prévention médicale avec ces 15 centres appelés « Care Enhancement ». Depuis le 3 décembre 2007, la filiale allemande exploite un tel centre aussi à Henningsdorf à Brandenbourg, à l’instar des centres américains. Cela devrait conduire à des réductions importantes de frais pour les caisses d’assurances maladie. L’activité de Healthways n’est naturellement pas désintéressée. En 2007, l’entreprise a réalisé un chiffre d’affaires de plus de 600 millions de dollars.

Healthways promeut donc un programme de santé de la DAK en Allemagne. Ceci n’est pas désintéressé non plus, car en Allemagne, il y a aussi des éléments dans le contrat  « qui dépendent de résultats », d’après les déclarations de l’attaché de presse de la DAK Jörg Bodanowitz. Le programme est une proposition pour des assurés de la DAK qui ont une maladie chronique. Les intentions avancées du projet sont une augmentation de la qualité de vie des assurés et une baisse des coûts pour la caisse. Cela va être réalisé en prodiguant des conseils par téléphone. Ça pourrait être bien, mais il y a des hics.

Healthways appelle non seulement des assurés qui en amont d’une participation ont donné leur consentement, mais aussi des assurés sélectionnés, pour solliciter leur participation. Pour ce faire, Healthways a besoin d’information sur les assurés. Et effectivement : 200,000 enregistrements d’assurés de la DAK comprenant nom, adresse, diagnostic ainsi que des données sur des séjours en hôpital et de la prise de médicaments ont été communiqués sans que les patients en aient été informés ou aient pu empêcher ces indiscrétions.

Ces données sont soumises du secret social d’après § 35 SGB I[2].  Dans le SGB V et X est de plus fixée la façon dont les caisses d’assurance maladie doivent procéder lors de programmes de santé spécifiques concernant les données sensibles. Les caisses d’assurance maladies ont, certes, le droit de recenser et enregistrer les données pour convaincre des assurés à participer au programme. Mais pour communiquer ces données à des tiers, il est nécessaire que les assurés soient informés qu’un tiers, en l’occurrence l’entreprise Healthways, est inclus dans le processus. En claire : Pour communiquer des données de la DAK à des fins de promotion pour un programme de santé, le consentement des concernés aurait dû être demandé. Cela n’a pas été fait. Les appels ont plutôt servi à obtenir le consentement pour la participation du programme de santé.

Mais ce n’est pas tout : une deuxième omission permet la conclusion que la DAK ne prend pas les obligations d’information vis-à-vis de leurs assurés très au sérieux. Si un assuré se laisse convaincre par la campagne de Healthways à participer au programme de santé-conseil et se fait envoyer les documents correspondants, il ne voit toujours pas qu’une entreprise commerciale est chargée comme intermédiaire pour réaliser ce conseil. Dans les documents, comme témoignent les concernés, ne se trouve aucune indication sur Healthways ou sur une transmission des données personnelles.

Il est intéressant d’apprendre comment la DAK traite ce sujet : à l’occasion d’une journée d’action de l’association Hausärzte[3] Plus e.V., Gerhard Eiselen de Healthways GmbH confirme avoir reçu des données de DAK, un fait que le délégué fédéral pour la protection des données Peter Schaar juge juridiquement problématique. Le 10/06/2008 il l’a également fait savoir à la DAK.

D’après la déclaration du directeur Dieter Schütt du service IT, la DAK insiste vis-à-vis de Report Mainz qu’il ne s’agisse pas d’une transmission  illégale de données personnelles, car Healthways aurait reçu les données dans le cadre d’une soit-disant mission de traitement d’informations, et, par conséquent, il s’agirait juridiquement parlant, des mêmes services. Du verbiage formaliste, car le démarchage pour le programme-conseil n’est certainement pas un « traitement d’informations », mais associe fréquemment même une consultation médicale.

C’est pourquoi le délégué fédéral pour la protection des données Peter Schaar n’admet pas cette échappatoire. Pour lui, il est question d’influencer le comportement des assurés par ces appels téléphoniques, il ne s’agit surtout pas d’une mission de traitement d’information, mais cela n’impressionne guère la DAK. Pour elle, le délégué fédéral pour la protection des données n’est pas une instance qui aurait le droit de la critiquer dans un domaine comme le droit de la protection des données. Cette attitude n’est non seulement culottée, mais tout simplement fausse. C’est effectivement l’office fédéral d’assurance qui supervise les assurances maladie, mais c’est toujours l’administration de la protection des données qui est responsable de la protection des données.

En tout cas, les faits sont là. La transmission non autorisée à Healthways de 200,000 enregistrements d’assurés de la part de la DAK est une infraction du secret social. Et le fait qu’une entreprise commerciale tierce ait été chargée à réaliser des programmes de conseil sans en informer les assurés concernés est même une infraction grave du secret social.

Professeur Rebscher : félicitations.

Source: BigBrotherAwards.de


[1] Deutsche Angestellten Krankenkasse
[2] SGB = Sozialgesetzbuch (livre de la loi sociale)
[3] Hausärzte = médecins de famille

 

2 Responses to “BigBrotherAwards catégorie « santé et affaires sociales »”

  1. FranzPeter dit :

    Dans la lignée des Barrès, Clémenceau, Duclos, Ulbricht, Honecker, Gysi et consorts : Stefan M., pour attiser la grande peur, la haine imbécile, germanophobe jusqu’à la gauche … Car c’est bien de cette gauche qu’il s’agit, imbibée de SED et de STASI et de PDS … ces (n)ostalgiques du Mur de 100 ans, que sais-je … ?
    Car c’est bien de cela qu’il s’agit encore: régler des comptes de vaincu(s) avec cette Allemagne dans laquelle a triomphé la liberté les 9 Nov. 89 et 3 Oct. 90.
    Deux remarques, M. Stefan M., parmi tant d’autres:
    - Pas besoin de vous agiter de la sorte : la haine de l’Allemagne est toujours bien enracinée en France, toujours vivace, vous ne faites que prêcher des Français convaincus en leur majorité que l’Allemagne est encore un repaire d’indécrottables Nazis; le chapitre est vaste de ces préjugés imbéciles qui s’alimentent aussi – heureuse aubaine – de propos tels que les vôtres, exploitant au mieux ce désir d’auto-flagellation propre à beaucoup d’Allemands.
    - Si vous vivez en France, vous devriez vous rendre compte à quel point la protection sociale, les soins médicaux, tout ce qui concerne l’éducation, la culture, la justice et la démocratie en général est incomparablement meilleur en Allemagne que dans l’auto-décrété « pays des droits de l’homme » …
    Je suis curieux de lire vos prochains articles et les réactions à ceux-ci de nos bons Français…

  2. Stephan M. dit :

    Bonjour,

    [...]
    - Pas besoin de vous agiter de la sorte : la haine de l’Allemagne est toujours bien enracinée en France, toujours vivace, vous ne faites que prêcher des Français convaincus en leur majorité que l’Allemagne est encore un repaire d’indécrottables Nazis;

    Je crois que vous n’avez pas bien compris le sens du texte qui n’est qu’une traduction d’une des attributions des BigBrotherAwards Allemagne 2008. C’est un « anti-prix » protection des données qui existe dans dans 18 pays dont la France et l’Allemagne. Je ne fait que fournir une traduction des BBA 2008 Allemagne, que l’on ne pourrait pas lire sinon en français. (D’autres traductions vont suivre) Il n’est pas question de Nazis, mais d’un cas de non-respect de la vie privée. Ce texte qui n’est pas de moi ne se prononce pas non plus sur la qualité des soins médicaux en Allemagne.

    Vous semblez ne pas connaître les BBA – je vous conseille de faire un tour sur les BBA en France pour en saisir le sens de cette action.

    S’intéresser au respect de la vie privée n’est ni une « agitation » ni une des qualificatifs que vous nommez dans votre commentaire. Mais il y a effectivement peu de gens qui s’y intéressent ou qui comprennent de quoi il s’agit, et c’est bien regrettable.

    Sinon, pointer des problèmes sociaux et politiques – pauvreté, quasi-suppression du droit d’asile politique, non existence d’un salaire minimum légal – pour n’en citer que quelques’uns, n’est pour moi ni une « auto-flagellation » ni un appel à la haine des Allemands mais une information qui n’est que rarement diffusée en France ou dans d’autres pays, surtout pas dans les mass media – l’Allemagne évidemment ne s’en vante pas. Même dans ce pays culturellement et économiquement riche, il y a des problèmes (qui n’ont pas leur place sous le tapis). Que ça ne fasse pas plaisir à tout le monde est tout naturel.

    Sur le système de santé allemand – jadis un des meilleurs du monde, je vous le concède – il y a beaucoup de choses à dire. Il est quand-même intéressant, juste pour donner un exemple, que les médecins en Allemagne ont un budget attribué très serré qui ne leur permet plus de préscrire des médicaments dont un patient a besoin une fois le budget du mois épuisé, sous peine de payer les médicaments de leur poche, d’où une salle d’attente pleine en début du mois. Je vous invite à lire l’article du magazine focus où un médecin parle de son budget de 40 euros par mois pour un retraité, or un diabétique aura facilement besoin de 300 euro pour trois mois. Si le retraité en plus a une maladie supplémentaire, il y a un vrai problème. Soit le patient attend le début du mois prochain, soit il cherche un autre médecin qui n’a pas encore épuisé son budget autorisé (ce qui encourage ne nomadisme médical). Un médecin en France aura du mal à y croire (et pas seulement les médecins en France…). C’est juste un « détail » dans la politique actuelle de santé.

    J’ai comme projet de retracer l’évolution du système de santé allemand pour la période de 1950 à nous jours. Il est sûr que je préférerais toujours être pauvre et malade en Allemagne qu’aux Étas-Unis ou dans d’autres pays où c’est beaucoup plus dur, mais cela ne m’interdit pas de critiquer une politique de santé de rigueur aux détriments des malades qui n’ont pas les moyens. Ce n’est pas parce qu’il y a la misère dans le monde que l’on a plus le droit de l’ouvrir quand il y a des injustices dans un pays riche comme l’Allemagne, et cela n’a rien à voir avec de la haine, au contraire. J’aime mon pays, mais je n’aime pas sa politique. Ce blog parle entre autre de la casse sociale d’un pays européen, de l’augmentation de l’écart entre riches et pauvres, de l’accroissement de la surveillance, des évolutions que l’on trouve dans tous les pays fondateurs de l’Europe. Quant aux préjugés, parlons-en: en France on croit justement qu’en Allemagne tout va bien dans le meilleur des mondes, et on a du mal à croire que dans ce pays outre-Rhin économiquement si fort on peut travailler pour 3,50 euros de l’heure (ou moins).
    Depuis les 30 ans que je communique avec des gens en France je n’ai jamais rencontré les préjugés dont vous parlez.