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(12.10/2007)

Conférencier: Alvar C. Freude

Le BigBrotherAward 2007 dans la catégorie « région » est remis au

Service Formation et Sport de la ville libre hanséatique de Hambourg,

représentée par Alexandra Dinges-Dierig, sénatrice du service formation et sport, pour la mise en place d’un „fichier central élèves“ (FCE) qui a pour but, entre autres, de dénicher des familles d’origine étrangère sans permis de déjour valable.

Hambourg s’est fait connaître au niveau national pour ses pratiques d’expulsions particulièrement rigides et indignes. Une fois c’est un Palestinien de Nablus en Ouest-Jordanie vivant en Allemagne depuis 21 ans qui devrait être expulsé, une autre fois, ce sont des élèves mineurs qui devraient partir dans leur pays d’origine, en laissant leurs parents en Allemagne qui disposent d’un titre de séjour.

Alors il n’est pas étonnant que l’on cherche par tous les moyens des familles à expulser. C’est ainsi que le service d’immigration profite aussi du FCE pour trouver des enfants et leurs parents n’ayant pas de titre de séjour valable.

En Allemagne, comme nous le savons, la scolarité est une obligation. Et ce n’est pas tout: L’accès à la formation est un droit pour tous(1), et il est fixé par la loi que „personne ne peut être privé de son droit à la formation(2)
comme il est inscrit dans la Convention européenne des droits de l’homme, dans le pacte des droits de l’homme de l’ONU(3)
et dans la convention des droits de l’enfant de l’ONU(4).

Le droit à la formation existe pour chaque enfant, quelle que soit sa nationalité, et que le séjour de l’enfant dans le pays soit valable ou non.

En 2006, Hambourg promulgue une nouvelle loi sur la scolarité qui introduit le « fichier central élèves » (FCE). Toutes les écoles de la ville-État doivent enregistrer les données de tous les élèves qui seront comparées avec celles du registre des habitations (principales)(5). Par ce moyen, on voudrait pouvoir trouver des enfants en difficulté et qui ne vont pas à l’école. Le but officiel de cette collecte de données serait, entre autres, d’empêcher des cas tragiques comme celui de Jessica, une fille âgée de sept ans, qui en 2005 était trouvée morte de faim après avoir souffert le martyre pendant des années dans l’appartement de ses parents, sans que personne ne s’en aperçoive.

À vrai dire, le FCE n’aurait pas sauvé Jessica : l’enfant était déjà connu de l’administration de la scolarité, ce même service avait même engagé une procédure d’amende administrative pour violation de l’obligation de scolarité. Or, personne n’avait pris la peine d’enquêter pour connaître la raison d’absence de Jessica à l’école. Une fois la procédure d’amende administrative lancée, le cas était clos pour le service de la ville. Si les services compétents sont aussi négligents qu’ils l’ont été avec Jessica, même la plus complète base de données ne sert à rien.

Mais quel est le véritable but dans lequel le FCE sera utilisé ? Peut-être pour sauvegarder des emplois de quelques informaticiens en développement ?

Une autre fille a également eu des problèmes avec les services administratifs de Hambourg, mais pas pour les mêmes raisons que Jessica : un délateur anonyme avait signalé Yesmin (13 ans) et sa mère au service de l’immigration. Pour ce service, il s’agissait d’un « cas typique » de regroupement familial illégal, c’est pourquoi Yesmin et sa mère devraient être expulsées en Turquie. Si la jeune fille n’avait pas été une élève modèle et parfaitement intégrée, elle et sa mère auraient été expulsées depuis belle lurette.

Or dorénavant le service d’immigration n’aura plus besoin de voisins délateurs : En utilisant le FCE, on peut non seulement trouver des enfants qui ne vont pas à l’école et sont inscrits au registre de la commune, mais aussi des enfants qui vont à l’école et qui ne sont pas inscrits au registre. Cela est possible, car les deux fichiers, le FCE et le registre, sont fréquemment et automatiquement comparés.

Le FCE serait-il davantage un « registre Jessica » ou un « registre Yesmin » ? Les organisations d’aide aux réfugiés présument une utilisation de la dernière des deux variantes. La recherche d’enfants sans permis de séjour est effectivement un but affiché du FCE, comme le parti de l’union des chrétiens démocrates (CDU) de Hambourg l’exige. Par conséquent, le service d’immigration pourra y accéder.

Le § 9 de la protection des données scolaires de Hambourg stipule :

Une administration peut transmettre des données d’une personne, précisé au § 7, à une autre administration ou à d’autres services de la ville libre hanséatique de Hambourg, si cela est nécessaire soit pour l’administration émettrice, soit pour l’administration réceptrice, pour accomplir les tâches qui lui incombent. Les données transmises doivent être utilisées par l’administration ou par d’autres services uniquement à des fins pour lesquelles elles ont été transmises. […]

Nous y voilà : Madame Dinges-Dierig, cela signifie-t-il : Si les données sont transmises pour expulser des familles, elles doivent être utilisées uniquement pour des expulsions ?

D’après le renseignement de l’administration scolaire, aucune expulsion n’a été effectuée à l’aide du FCE. Des enfants sans autorisation de séjour n’ont pas été trouvés. Quel miracle ! Des parents ont des craintes justifiées que le fait d’envoyer leurs enfants à l’école conduise à l’expulsion de toute la famille. Il est donc compréhensible que la décision ne soit pas favorable à la scolarisation. De nombreuses familles ont déjà eu cette crainte justifiée dans le passé, mais des organisations d’aide, comme « Fluchtpunkt(6) », avaient pu convaincre les parents que la scolarisation de leurs enfants était sans danger. Avec l’introduction du FCE la donne a changé, et beaucoup de familles ont retiré leurs enfants de l’école. Ce n’est donc pas étonnant qu’aucun enfant « illégal » n’ait pu être trouvé. Voilà comment une loi qui est faite pour le bien des enfants conduit au contraire de son but.

Le FCE a effectivement été introduit pour assurer le bien des enfants, or il n’est pas en mesure de le faire. Jessica n’aurait pas été protégée de ses parents maltraitants et des services de la ville négligents. Chacun définit le « bien des enfants » à sa manière : Le CDU et la sénatrice Dinges-Dierig pensent qu’une vie sans autorisation de séjour n’est en soi pas bien pour un enfant, mettre fin à l’illégalité (par une expulsion – ndt) serait donc ce qui y a de mieux pour l’enfant. S’il va mieux en Afghanistan, dans la zone de Gaza ou en Irak, on peut en douter. Malgré tout : d’après les pratiques du service d’immigration de la ville hanséatique de Hambourg, l’expulsion dans des régions de crise n’est pas une option improbable, comme l’ont démontré plusieurs cas.

Cette idée cruelle du « bien des enfants » s’avère être fausse dans la réalité. Des parents préfèrent retirer leurs enfants de l’école au risque d’être expulsés. La ville Hambourg s’oppose ainsi au droit à la formation, car, rappelons-le, ce droit est aussi valable pour des enfants sans permis de séjour.

Certes, des écoles autrefois ont déjà été obligées de signaler des enfants sans permis de séjour valable. Or, quand on est enregistré dans le FCE, on se trouve dans une base de données centrale, et la comparaison des données avec celles du registre est automatique. Les écoles subissent une pression énorme pour recueillir ces informations sur les élèves. En principe il serait possible de ne pas mentionner les enfants sans titre de séjour en règle, mais par conséquent ces enfants n’existeraient pas pour les bulletins scolaires, et ils ne seraient pas assurés en cas d’accident.

Qu’avons-nous appris, Madame Dinges-Dierig ?

  1. Votre manie d’accumuler des données ne fait qu’accentuer le problème humanitaire des réfugiés et des familles sans titre de séjour valable au lieu de le réduire. De facto, on refuse aux enfants concernés le droit à la formation.
  2. Le but affiché – l’obligation de scolarité pour tous les enfants – serait réalisable avec d’autres méthodes et aux moindres coûts, par exemple si vos services interviennent réellement quand la scolarité obligatoire n’est pas observée.
  3. Si les données sont collectées et enregistrées de façon centrale, il y a de multiples possibilités d’abus.

Madame Dinges-Dierig, félicitations pour le BigBrotherAward !

Source: BigBrotherAwards.de

(1) Article 26 de la déclaration générale des droits de l’homme
(2) Article 2 du 1er protocole subsidiaire de la convention pour la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales de la convention européenne des droits de l’homme de 1959, ratifiée par l’Allemagne en 1952
(3) Le pacte des droits économiques, sociaux et culturels, adopté unanimement par les Nations Unies en 1966, en 1968 signé de l’Allemage et ratifié sans réserve en 1973
(4)Accord sur les droits de l’enfant, adopté lors de l’assemblée générale des Nations Unies en 1989 ; l’Allemagne et l’Autriche sont les seuls pays d’Europe qui ont signé la convention des droits de l’enfant sous réserve que le droit allemand sur immigration soit prioritaire !
(5) En Allemagne, tout le monde doit s’inscrire dans un registre de la commune dans laquelle on habite.
(6) http://www.kinderfluchtpunkt.de/

5 Responses to “BigBrotherAward Allemagne, catégorie „région“”

  1. Stephan M. dit :

    Dépêche de la NDR (radio allemande, 09/08/2007):

    Premières conséquences du « fichier central élèves » : Plusieurs directeurs d’école ont signalé des enfants sans titre de séjour valable. Ce fichier a été introduit pour détecter des enfants en danger. Au moins trois directeurs d’écoles catholiques ont cédé à la pression du fichier central élève. Les directeurs ont apparemment eu peur d’avoir des difficultés, car les services d’immigration ont aussi accès à ce fichier élèves.

    Au moins 40 élèves peuvent être concernés.

    Source: http://www1.ndr.de/nachrichten/hamburg/register4.html

  2. maguy dit :

    Bonjour Stephan
    Enlève moi un doute. En France par exemple, la scolarité n’est pas obligatoire pour un enfant jusqu’à 16 ans, c’est l’éducation qui l’est. Des parents ont tout à fait le droit de les éduquer eux-mêmes ou de faire appel à des précepteurs privés (s’ils en ont les moyens !). Les connaissances de l’enfant sont « contrôlées » une fois par an par l’éducation nationale.

    Madame Dinges-Gierig et Hortefeux, couple d’enfer
    Award bien mérité, sans mes félicitations, beurk !!

  3. Stephan M. dit :

    Bonjour maguy,
    tu as raison, en France c’est l’instruction qui est obligatoire.
    Ce qui m’interpelle aussi est le fait que ce soient des directeurs d’écoles catholiques qui cèdent à la pression. Maintenant à dieu de décider qui ira au paradis – celui qui est un brave fonctionnaire qui dénonce, ou le fonctionnaire qui se tait ? :evil:

  4. maguy dit :

    Ha, mais non, cher Stephan, pour aller au paradis allemand il faut d’abord payer les impôts à l’église, ensuite les papier, haha !
    J’étais une affreuse mécréante.
    Par contre, je suppose que par « sans papiers » ils visent surtout les musulmans comme chez nous et je ne vois pas pourquoi ils mettraient leurs enfants à l’école catho, ou bien ?
    Ce qui m’interpelle aussi est le fait que ce soient des directeurs d’écoles catholiques qui cèdent à la pression
    Ben oui, ils ont l’habitude d’obéir, à leur hierarchie et puis au Papst.

    Maintenant à dieu de décider qui ira au paradis -
    Exactement, dieu reconnaitra les siens. Cette délation est honteuse, ils n’ont rien appris de l’histoire ? Et « ça » parle de charité, de compassion, de petits n’enfants, à vomir !

  5. Stephan M. dit :

    Merci maguy, que tu partages ton indignation avec moi, avec nous. Cela donne un peu de force. Dans ce cas précis, j’ai lu qu’il s’agissait d’étrangers d’Amérique du Sud et d’Amérique Centrale.
    Qu’il y ait ce discours pseudo-compassionnel moralisateur catho, soit, s’ils veulent absolument répandre leur idéologie ecclésiastique. Mais quand on voit les actes qui suivent, cela retourne mon estomac.