Les dessous de l'Allemagne

Certains se souviennent encore du projet de loi auquel le ministère de la Santé travaillait l’année dernière : les médecins devraient signaler aux caisses de maladies des malades qui seraient responsables de leur maladie.
(Voir : De l’État social vers le système de contrôle – Allemagne). Peu de réctions dans les médias allemands.

Depuis le 1er juillet 2008, cette loi est adoptée. Les piercings et tatouages ont servi de prétextes afin d’obtenir l’approbation du peuple, car ils entraînent parfois des complications médicales chez quelques personnes. Des associations de protection des données et de la vie privée critiquent violemment cette loi. Le secret médical est depuis plus que 2000 ans la base même du traitement médical efficace. Son abolition met en péril la santé des patients.

Cette loi qui est non seulement un scandale pour l’éthique de la médecine, pose de nombreux problèmes.

Son application est impossible[1]. Explications :

• Que les caisses de maladies soient au courant en détail de l’état de santé de leur membre est l’exception, et non la règle. Elles n’apprennent le diagnostic qu’en cas d’arrêt de travail et  n’ont pas à se mêler  de savoir si un patient va voir son médecin traitant une ou dix fois dans le trimestre. La tâche des caisses (en Allemagne) se limite à transférer une certaine somme à la fédération des caisses, la suite est réglée par d’autres acteurs.
• Des représentants de renom d’unions de médecins ont annoncé leur intention de boycotter la nouvelle loi.
• Tant qu’il n’y a pas un règlement en commun entre le corps médical et les caisses de maladies, il ne se passera rien, et ça peut durer longtemps.

Le conflit entre le respect du secret médical et l’obligation de le violer est antinomique et insoluble.

• Que faire du médecin qui ne respecte pas cette loi ? Le punir ?
  (Comment trouver le médecin qui ne respecte pas cette loi ? Qui va rapporter qu’un médecin n’aurait pas respecté la loi de délation ? Des patients testeurs qui se rendent volontairement malades et balancent ensuite le médecin qui soigne les soigne et respecte le secret médical ? Que d’absurdités!)
• Quelle serait la limite de cette loi ? Les blessures d’un sportifs lors de son activité (il n’a qu’à renoncer à son sport), le patient en surpoids (il n’a qu’à bouffer moins), l’alcoolique (il n’a qu’à arrêter de boire – or, la dépendance alcoolique est une maladie reconnue), le diabétique (il n’a qu’à manger 5 fruits et légumes par jours et renoncer aux sucreries et faire du sport – mais en faisant du sport on peut se blesser…), le patient qui fait un infarctus du myocarde (il n’a qu’à vivre plus sainement) – on voit que la liste peut s’étendre à l’infinie. C’est là que réside le danger réel, et nous savons bien quand une porte d’une régression sociale est ouverte, aussi infime soit-elle (et celle-là est loin d’être infime !), la rupture du barrage est garantie.
• Aura-t-on des listes de médecins qui balancent et des listes de médecins qui respectent le secret médical, sur internet par exemple ?
• Que deviendra la confiance entre le médecin et son patient ? – Le patient va-t-il commencer à mentir au médecin par peur (et par pauvreté matérielle) d’être « responsable » de sa maladie et de ne pouvoir faire face aux frais de soins ? Le médecin va-t-il pouvoir traiter correctement son patient qui lui raconte des mensonges pour bénéficier des frais de soins ?

Ce qui me désole le plus, c’est le fait que cette loi trouve une approbation chez un bon nombre de citoyens (mon entourage proche inclus). Ce sont à peu près les mêmes qui pensent que les chômeurs sont coupables d’être au chômage, que les pauvres sont responsables d’être pauvres, etc. jusqu’au jour où ces défenseurs de la fausse « justice » malsaine seront eux-mêmes concernés. Là, ce sera « autre chose ». Mais tant que l’injustice est pour l’autre, ça va.

Sources : heise.de – aerztezeitung.de

[1]Heureusement. Mais là n’est pas le problème.

Auteur: Stephan M.
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Tags: le malade dénoncé