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BigBrotherAwards catégorie « économie »

(12/10/2007)

Conférencier : Padeluun

Le BigBrotherAwards dans la catégorie « économie » est remi à la

Deutsche Bahn AG[1],
représenté par
le président du comité de direction Hartmut Mehdorn

qui a rendu impossible la possibilité de voyager de façon anonyme.

« Vous trouverez les petits pains au distributeur« . C’est une phrase que je n’ai pas encore entendue dans ma carrière de vendeuse dans une boulangerie. Le Deutsche Bahn AG n’a pas non plus précisé que je pourrais m’adresser directement à la vendeuse si je paie un supplément de 5 euros. En revanche je devrais faire la queue qui fait 5 mètres. Et il n’a pas non plus précisé que je pourrais commander les petits pains sur internet qui seraient livrés dans les 2 jours, mais on enregistrerait dans un fichier central « en contrepartie » mon adresse, mes préférences culinaires et mon numéro de carte de crédit.

Si je veux voyager avec le Deutsche Bahn, cet énoncé est pourtant la triste réalité.

Mais nous n’attribuons pas des anti-prix « protection des consommateurs », il ne s’agit pas de l’énervement quand on est en contact avec une grande entreprise très éloignée des besoins de ses clients, il s’agit de la pieuvre des données Deutsche Bahn AG. Je voudrais vous emmener dans ma réflexion sur la destruction systématique du voyage anonyme.

Le Deutsche Bahn AG veut apparemment tout savoir et manœuvre de façon très organisée et avec efficacité ses aiguillages.

Première station : Le Deutsche Bahn AG met les agences de voyages sur la voie de garage. Les provisions sont diminuées afin qu’il ne soit plus rentable pour les agences de voyage de proposer des billets de train sans demander un supplément. Cela signifie pour les agences : terminus – tout le monde est prié de descendre. À partir de maintenant c’est le Deutsche Bahn AG seul qui a le contrôle sur la vente des billets. Continuons notre voyage jusqu’à la deuxième station.

Le guichet dans la gare. Les effectifs aux guichets sont maintenus si insuffisants qu’il faut avoir du temps à perdre pour y acheter son billet. Il faut avoir 5 euros de plus à perdre pour l’achat au guichet, 2 euros de plus pour chaque réservation. Qui n’a ni temps ni argent à perdre achète son billet ailleurs. Maintenant la voie va bifurquer :

Si vous passez par internet, vous vous doutez ce que cela signifie : « l’entreprise avenir » connaîtra votre nom, votre adresse et votre numéro de compte bancaire.

Donc vous préférez faire un détour et passer par le distributeur de billet de train ? Presque aucun distributeur acceptera des espèces, vous devez utiliser votre carte bancaire. Vous avez une carte client pour avoir des remises de prix substantielles ? Pour pouvoir profiter de la remise, le distributeur vous demande d’insérer votre carte client – inutilement, car votre droit à la remise ne sera vérifié qu’après le début de votre voyage, dans le train. Adieu, sphère privée. Seulement le voyageur débrouillard sait que l’on peut appuyer sur « interrompre votre achat » à la demande d’insertion de la carte client, et l’on pourra quand même acheter son billet.

Puisque nous sommes en train de faire un détour, prenons le temps d’examiner la carte client de plus près. Sur le formulaire de la demande de la carte client, avez-vous donné votre date de naissance ? Pourquoi ? Il n’y a pas de raison que le Deutsche Bahn l’apprenne. La date de naissance n’est utile que pour des avides des données de la sphère privée, d’après la loi de la protection des données, la date d’anniversaire ne doit pas être un champ obligatoire à remplir. Déjà il y a quelques années, le délégué de la protection des données de Berlin nous avait écrit qu’il avait critiqué la demande de la date de naissance auprès du Deutsche Bahn AG. Avec le succès que l’on voit.

Un jeune qui a commandé sa carte de client dans une agence de voyage, montrait sa carte d’identité et insistait que l’on indique seulement qu’il a droit à la carte jeune avantageuse sans préciser sa date de naissance – qu’il a d’ailleurs payé en avance sans jamais la recevoir. Les discussions interminables avec les fanatiques des données privées n’ont mené a rien. L’agence de voyage qui avait traité son dossier n’existe plus. L’argent est perdu.

Le délégué de la protection des données ne voyait pas trop de problèmes avec la photo sur les cartes clients. Personnellement je suis mal à l’aise, si l’entreprise étatique en procédure de privatisation entretient une vidéosurveillance globale, qui peut être pilotée centralement à Berlin, qui a accès à ma photo en tant que ficher et qui la stocke pendant des années. D’autant plus que ma photo ne soit pas nécessaire pour avoir une carte client : je peux toujours démontrer mon identité avec ma carte d’identité.

C’est pourquoi ma carte client n’a ni photo ni date de naissance. Mon âge sur ma carte client (attention les dames, l’âge est imprimé sur la carte !) est de 95 ans.

À une autre occasion, je me suis piégé moi-même avec mon pieux mensonge : à Berlin je voulais louer du Deutsche Bahn un des jolis vélos que l’on pouvait activer avec son téléphone portable. Après avoir parlé au téléphone avec une aimable opératrice qui me demandait mon nom et mon adresse, arriva l’obstacle : je devais renseigner ma date de naissance, c’était obligatoire, insistait la dame. Je soupirais et allais à pied.

Le voyage vraiment anonyme et confortable n’est apparemment possible qu’avec la « Bahncard 100″. Voyager librement si on est riche, la même chose serait valable pour le train des données collectées, pourrait-on croire. Payer une seule fois 3.400 euros, puis prendre le train et voyager sans acheter de billet, sans clics de souris sur internet, sans bouts de papiers. Mais même là, la pieuvre des données guette : dans cette carte est cachée une puce RFID fouineuse qui peut être lue par ondes radio sans que l’on s’en aperçoive. Pour nous rafraîchir la mémoire : En 2004, le groupe Metro (un grand groupe mondial) a dû remplacer les cartes payback dans lesquelles étaient cachées des puces RFID ; cette affaire avait discrédité toute l’industrie RFID. Le président du comité de direction a dû quitter temporairement sa fonction.

En 2005, nous avions publié un article sur le site internet de la FoeBud[2] qui a décrit la puce RFID de la Bahncard 100. Trois jours après la publication, le délégué de la protection des données nous a téléphoné pour demander si le Deutsche Bahn AG allait recevoir le BigBrotherAward. En tant que lecteurs instruits d’Astérix et Obelix nous avions répondu : « Bis repetita non placent[3]« . Les puces RFID étaient déjà caduques. Le délégué était visiblement soulagé. Il avait promis de signaler le problème au Deutsche Bahn.

Après notre entretien, il disait à un client qui voulait acheter une Bahncard 100 sans puce que la puce ne serait pas activée, mais la carte répondait néanmoins aux appels de tout lecteur qui fonctionnait avec le standard approprié. Si les lecteurs RFID avaient été globalement présents, la Bahncard serait une sorte de mouchard qui, avec son numéro unique, communiquerait la position de ses détenteurs. Mais ces données ne doivent pas être d’accès libre. Les utilisateurs ont au moins le droit de savoir ce qu’ils portent sur eux. Depuis j’ai vérifié encore une fois toutes les newsletter du Deutsche Bahn AG. Je n’ai rien trouvé sur ce sujet. Nada.

Et puis il y a des voyageurs qui nous accompagnent lors de notre circuit pour accumuler des points, des « points Bahn Comfort « . Bien, entre-temps nous savons que collectionner des points de bonus et respecter la sphère privée, c’est antinomique. Néanmoins la moitié des clients qui possèdent la Bahncard ont activé la fonction « collectionner des points ». Sur le site internet, le Deutsche Bahn AG se porte garant dans sa déclaration sur la protection des données de ne pas transmettre les données à des tiers. C’est en contradiction avec une remarque sur Wikipedia qui dit autre chose. Je fais une recherche.

Sur le site de la société Loyalty-Partner je trouve. Cette société a rassemblé un consortium qui gère des points client du Deutsche Bahn. Les Bahncards sont produits par le Holding GHP à Bamberg. Le GHP travaille aussi les dossiers « Happy Digits« . Et la société Loyalty-Partner chez qui j’ai lu cela, exploite le « Payback-System » qui est l’heureux gagnant du BigBrotherAward de l’année 2000. Payback, Happy Digits et points client du Deutsche Bahn AG – tout ce beau monde sous le toit d’un consortium. Quel mélange impressionnant, ce n’est pas étonnant que le Deutsche Bahn AG n’avoue pas ces faits. Et le train continue à rouler.

La pieuvre des données a beaucoup de tentacules. C’est donc compréhensible que l’on se sente mal à l’aise, si la caméra-scanner avec laquelle le contrôleur du train vérifie le code barre des billets achetés sur internet se dirige aussi sur le visage du voyageur.

Où va le voyage ? Début novembre 2007, un nouveau système comptable sera testé. Les personnes qui participent à ce projet pilote auront des téléphones portables spécifiques. À l’aide de ces téléphones, toutes les cellules radio des portables seront enregistrées pendant le voyage. Au départ et à l’arrivé les portables transmettent leurs données au Bahn AG. Il ne peut y avoir de meilleurs profiles de voyageur!

C’est ainsi que l’on accumule de plus en plus de données; le délégué de la protection des données doit rappeler une certaine retenue dans l’accumulation des données pour que la pieuvre retire ses tentacules. Quand il y a eu des demandes de remboursement et des bons de voyage pour cause de retards de train, il a fallu déclencher une procédure d’amande avant que le Deutsche Bahn a renoncé à demander abondamment des données personnelles.

Le Deutsche Bahn AG a, semble-t-il, des procédés assez perfectionnés pour empêcher un abus direct de données, néanmoins un certain malaise reste. Une entreprise d’état qui collecte tant de données sur ses voyageurs représente un risque d’abus. Une entreprise qui doit faire du profit n’est pas un bon garant pour une gestion confidentielle des données personnelles.

Il y a 10.000 distributeurs de billet en Allemagne qui ne vendent pas des petits pains. 10.000 distributeurs qui sont tous reliés à un grand centre informatique. 10.000 automates qui échangent des données avec des ordinateurs personnels connectés à internet. 10.000 automates qui sont surveillés par des caméras vidéos pour qu’ils ne s’enfuient pas… car ils ne peuvent pas supporter le grand froid social.

Vous avez raté votre correspondance, Monsieur Mehdorn!

Félicitation pour le BigBrotherAward 2007, Deutsche Bahn AG.

Source: bigbrotherawards.de


[1] Groupe allemand de chemins de fer, la « SNCF allemande »
[2] FoeBuD e.V. (Verein zur Förderung des öffentlichen bewegten und unbewegten Datenverkehrs – association pour la promotion du trafic des données mobiles et immobiles. Je suis d’accord : un trafic de données immobiles semble être une contradiction. J’essaierai de me renseigner.)
[3] Des répétitions ne plaisent guère.

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