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Le paragraphe 129a

En 1976, la (aujourd’hui ex-) R.F.A introduit le paragraphe 129a qui est la base juridique pour combattre le terrorisme. Il est un dérivé du paragraphe 129 qui trouve son origine au 19e siècle.

De 1871 à 1945, ce « paragraphe politique » sous le titre d’association d’ennemis d’État a surtout criminalisé le mouvement travailleur. Dans la République de Weimar, il opérait comme protection de l’État contre les communistes. Une poursuite dans le cadre du paragraphe 129a n’avait pas lieu uniquement pour des actes concrets, une simple conviction ou opinion politique « inappropriée » suffisait. Dans les années 1924 et 1925, plus que 6300 travailleurs ont été condamnés à de longues peines de prison et à des amendes élevées. Dans les années cinquante, il y a eu des dizaines de milliers de procédures d’enquête contre des membres de la KPD, parti communiste allemand qui a été déclaré comme association criminelle en 1951 et interdit en 1956. Les squatteurs ont été poursuivis dans les années quatre-vingt à l’aide de ce paragraphe, qui en 1976 a encore été renforcé pour combattre l’armée fraction rouge RAF, le groupe Baader, Meinhoff.

Une année plus tard, le terrorisme en Allemagne trouve en l’automne allemand (Deutscher Herbst) son point culminant avec l’enlèvement et l’assassinat de Hans-Martin Schleyer, ancien Nazi et président des associations patronales.[1] Dans l’idéologie de la RAF, Schleyer était un ennemi de premier ordre d’une société plus juste: il est ex-Nazi et le plus haut représentant du capitalisme.

L’automne allemand est jusqu’ici considéré être la plus grande crise politique de la R.F.A. Le paragraphe 129a est une arme juridique d’exception à la hauteur de la crise, comme l’affirmaient les autorités allemandes. Il définit la notion d’association terroriste, les différents degrés d’appartenance à un tel groupe et les peines encourues que risquent des personnes qui rentrent dans ce concept de terrorisme.

Le §129a est exceptionnel à plusieurs égards :

  • Une association ou un groupe terroriste dans sa définition est petite : il suffit de trois personnes pour la fondation d’un groupe terroriste.
  • Cette loi du Code pénal permet de condamner une personne uniquement pour son appartenance à un tel groupe, sans que la justice ait besoin de démontrer la culpabilité directe pour une participation à un acte terroriste.[2]
  • Quand le §129a est enclenché dans une enquête, tous les moyens de surveillance, d’action et de répression deviennent possible. Écoutes téléphoniques, fouilles d’appartements, surveillances d’amis ou d’autres proches d’une personne suspectée, enregistrement de vidéos et d’écoutes, échange et croisement de données entre différents services
  • Si une incarcération dans ce cadre a lieu, elle se passe, en attendant le procès, également sous des conditions exceptionnelles : Isolation totale, aucun contact avec des prisonniers non-terroristes, restriction ou interdiction de visite d’amis, de proches et de la famille, interdiction de communiquer avec l’extérieur, écoute de l’entretien avec l’avocat, séparation physique avec l’avocat, se sont donc des conditions qui sont à la limite de la violation des droits de l’hommes

Cette arme juridique est critiquable et critiquée à cause de ces conditions d’exceptions. Elle est appelée communément „loi élastique », car elle peut être et est utilisée sans qu’il y ait des preuves ou des soupçons tangibles. Après l’automne allemand et le démantèlement de la RAF, elle est surtout utilisée pour intimider ou casser des forces politiques de la soi-disant extrême gauche ou des mouvements sociaux ou politiques contestataires. On l’a vu et vécu récemment lors du sommet du G8.

L’association républicaine des avocats (RAV) critique que le § 129a sert d’intimidation et d’enquête des structures fonctionnelles d’opposition politique. La député Petra Pau du parti Die Linke (La Gauche) l’appelle une « porte pour l’arbitraire juridique« .

Lors d’une manifestation contre une rafle d’envergure juste avant le G8 on pouvait entendre l’appel « Nous sommes tous 129a » dans les rues de Kreuzberg (quartier de Berlin).

La poursuite récente de quelques chercheurs sociologues allemand, Florian L., Axel H. et Oliver R et Andrej Holm illustre l’application grotesque de ce paragraphe. Le fou de sécurité, ministre de l’intérieur Wolfgang Schäuble, a certainement été pour quelque chose dans ce dérapage démocratique honteux.

Dans mon projet de blog sur l’Allemagne, j’avais l’intention d’écrire sur le cas d’Andrej Holm, mais quand je suis tombé sur l’excellent article d’AC!, je me suis d’abord concentré sur d’autres sujets. Cet article mérite d’être lu et relu.


[1] (1933 Hans-Martin. Schleyer devient membre de la SS, 1937 membre de la NSDAP et leader des étudiants du Reich. Après la guerre, pendant le processus de la dénazification, il était d’abord déclaré par les Alliés comme un Nazi convaincu. Après avoir fait opposition, Schleyer reussit à être considéré seulement comme „suiveur » dans la procédure de révision. De 1962 à 1968 il est président de la fédération de la metallurgie. À partir de 1973 il est le président des associations patronales (l’équivalent du Medef en France).
[2] C’est ainsi que plusieurs membres de la RAF ont été condamnés pour des délits dont on n’a jamais pu prouver la culpabilité individuelle. L’argumentation était la suivante: La RAF en tant que groupe a revendiqué publiquement le crime. L’individu est un membre du groupe. L’appartenance est donc considérée comme un aveu du crime reproché.

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