Eva Roth pour Frankfurter Rundschau
28 août 2008
L’avance du capitalisme effréné a laissé des traces profondes sur le marché du travail : L’écart des salaires croît, une partie des employés a subi une chute financière. Les revenus réels des employés à faibles salaires ont diminué de presque 14 pour cent pendant les dernières années – concerné est un quart des salariés en Allemagne. En revanche, ceux qui gagnent très bien leur vie ont profité d’une hausse réelle de leur salaire. C’est le résultat que rapportent des chercheurs de l’université Duisbourg-Essen dans une analyse qui est sur le bureau du Frankfurter Rundschau et qui sera publié le 29 août dans les communications de l’institut de sciences sociales de la fondation Hans-Böckler.
Au total, le niveau des salaires réels n’a augmenté que très peu dans une décennie. En même temps a eu lieu une redistribution massive de bas en haut. Les scientifiques ont trié les employés dans quatre groupes de même effectifs d’après leur niveau salarial. Ensuite ils ont calculé comment les salaires horaires ont évolué entre 1995 et 2006. Résultat : Le quart du bas aujourd’hui gagne réellement 13,7 pour cent en moins. Les perdants ne sont pas seulement ceux qui font des petits boulots et des temps partiels, mais aussi des travailleurs pauvres qui exercent une activité professionnelle classique en plein temps.
Les employés qui ont un salaire au-dessus de la moyenne, au contraire, ont plus dans leur poche. La situation de ceux qui ont un bon salaire et qui travaillent à plein temps est particulièrement avantageuse : leurs salaires ont augmenté de plus de dix pour cent, explique le sociologue Thorsten Kalina de l’université Duisbourg.
Ce qui inquiète les chercheurs particulièrement : même dans la dernière reprise conjoncturelle les bas salaires ont baissé et nominalement et réellement, en Allemagne de l’Est de plus de dix pour cent. « Quand on voit cela, on commence à avoir peur si on imagine ce qui peut arriver dans une récession« , dit le professeur en sociologie Gerhard Bosch au Frankfurter Rundschau.
Dans aucun autre pays européen, le secteur des bas salaires a augmenté si considérablement qu’en Allemagne, souligne l’économiste et coauteur Claudia Weinkopf. « Si on demande à un employé au Danemark s’il peut vivre de son salaire, il ne comprend pas la question. Pour lui c’est tout naturel. » Bosch et Weinkopf savent de quoi ils parlent : depuis des années ils travaillent sur un projet de recherche international sur des bas salaires.
Comment a-t-on pu en arriver là ? Le système de la grille des salaires a une grande faiblesse : il n’y a pas de salaire minimum obligatoire. Jusqu’à la réunification, ce n’était pas un problème car la plupart des entreprises à l’Ouest payaient des salaires conventionnels ou s’y orientaient. Et puis il y a la chute du mur, et le chômage monte en flèche. De plus en plus d’entreprises peuvent se permettre de payer en dessous de la convention collective. Les salaires subissent une chute vertigineuse, on travaille pour moins de cinq euros par heure – des experts du marché du travail d’autres pays, déconcertés, regardent l’Allemagne, car même en Grand Bretagne de tels salaires de misère sont interdits.
Les accords tarifaires convenables de IG Metall (syndicat métallurgique) n’ont plus d’action sur les autres branches économiques, dans de nombreux secteurs de service il n’y a que de maigres suppléments. L’écart salarial se creuse – et cela encourage les entreprises de délocaliser le travail dans des pays où les salaires ne coûtent rient. Le cercle vicieux.
La privatisation des secteurs du service public comme la poste, les transports en commun et la télécommunication a également écarté les salaires. En Allemagne par exemple, des sociétés privées de centres d’appels peuvent payer des salaires bas ce qui leur donne un avantage concurrentiel par rapport à l’ancienne entreprise d’état Telekom. Dans la plupart des autres pays européens au contraire, des nouveaux prestataires de services doivent respecter les conventions collectives qui sont globalement valables, soulignent les chercheurs. Cela est par exemple le cas en Suède, où l’ouverture du marché n’a pas conduit au dumping salarial, raconte Bosch. Il l’appelle une « erreur historique » que les syndicats allemands n’aient pas exigée à temps des conventions collectives pour des branches dérégulées. Le management de Telekom a maintenant tous les arguments de son côté pour exiger des sacrifices en mentionnant les conditions de la concurrence.
Le secteur des bas salaires a été fertilisé par les réformes du marché du travail du gouvernement SPD/Les Verts : Hartz IV a augmenté la pression d’accepter un travail mal payé, déplorent les chercheurs. Aujourd’hui des salariés en CDI peuvent être remplacé par des intérimaires bons marchés, et ceci pour une durée indéterminée. L’État de plus favorise les petits boulots mal payés. Les conséquences : » l’État social est saigné à blanc », dit Bosch. Les petits boulots n’apportent pas de cotisations sociales, et les bas salaires ne cotisent que très faiblement.
L’État doit contrer cette évolution, demandent les experts renommés. Ces spécialistes du marché du travail plaident pour un revenu minimum fédéral obligatoire pour assurer une limite inférieure dans des branches avec des syndicats faibles. En outre, il devrait être facilité de valider globalement des conventions collectives.
De telles propositions de régulations font hurler des économistes libéraux. Mais Gerhard Bosch riposte : Quand des entreprises peuvent imposer des salaires car salariés et syndicats sont trop faibles pour se défendre, il y a un déséquilibre de pouvoir, et même des néolibéraux intégristes devraient s’y opposer.
Source : fr-online.fr
Je remercie Eva Roth pour son aimable autorisation de traduction et publication.
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