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(30 aout 2008)

Un ancien directeur d’un jobcenter(1) est accusé d’avoir utilisé 40 travailleurs à un euro pour assainir la comptabilité malade d’une maison de retraite.

Les jobs à un euro que les chômeurs ne peuvent pas refuser, sont censés intégrer les demandeurs d’emploi dans le marché du travail. Le travail qu’un travailleur à un euro est obligé d’exécuter doit avoir un caractère supplémentaire et ne peut, en aucun cas, remplacer un emploi régulier – telle est la belle théorie. Dans la pratique – on est en 2005 – le directeur de l’Arge de Recklinghausen se sert dans la « réserve » des chômeurs, corvéable à merci et « offre » 40 postes rémunérés à un euro dans une maison de retraite.

Détail intéressant à ce sujet : l’ancien directeur de l’Arge, Monsieur L., est également, comme par hasard, le gérant de la maison de retraite qui se trouve en difficulté financière. Les quarantes travailleurs supplémentaires exécutent bel et bien toutes les tâches classiques d’un salarié régulier d’une maison de retraite : transport du linge, distribution des repas, nettoyage des chambres. Un travailleur à un euro doit s’occuper de l’administration du système informatique de la maison de retraite car cette activité est dans ses compétences, et quelques-uns de ces camarades doivent même faire les trois-huit.

Comme mesures qualifiantes sont avancées par l’avocat de l’accusé, Monsieur Rüthers, quelques heures de premiers secours, sinon l’apprentissage de la ponctualité, la fiabilité et la persévérance, des qualités qui font, comme nous le savons tous, défaut chez tous les chômeurs.

Le parquet estime la totalité des dommages à 450.000 euros. C’est la somme que la maison de retraite a obtenu fin 2006 comme « forfait d’encadrement » pour les travailleurs à un euro. De cette somme doit être déduit les frais de transport des demandeurs d’emploi et les 1,10 euros d’indemnité que ces heureux reçoivent pour une heure de labeur.

D’autres chefs d’accusation sont la coercition et « des salaires trop bas » (Cette formulation est intéressante car l’indemnité de 1,10 euro n’est pas un salaire). En outre, l’accusé aurait profité de la situation difficile dans laquelle se trouvaient les demandeurs d’emploi. (N’est ce pas le cas pour la totalité des travailleurs à un euro ? Dans ce cas-ci, c’est un directeur d’une maison de retraite qui profite de la situation difficile des demandeurs d’emploi, dans l’autre, c’est l’État.) Coaccusés sont deux collaborateurs de l’Arge et le directeur de la maison de retraite.

Rüthers défend bien son client : Si Monsieur L. doit être condamné, tous les directeurs d’Arge le devraient aussi. Avec cette remarque cynique, il défend, sans le vouloir, tous les forçats que sont les travailleurs à un euro.

(Intéressant à ce sujet aussi que cette affaire sorte juste quelques jours après la publication de la mesure gouvernementale d’utiliser 10.000 chômeurs de longue durée dans des maisons de retraite pour une sorte de « sous-aide soignants » avec une sous-formation éclaire de 160 heures et une sous-paye. Le pauvre accusé monsieur L. aurait dû simplement attendre septembre 2008 pour profiter de ses 40 chômeurs dans sa maison de retraite en toute légalité. Cette mesure vient probablement juste à temps pour camoufler et légaliser après coup de nombreux autres cas semblables non détectés. L’État légalise ce qui l’arrange et criminalise ce qui le dérange, et ce qui l’arrange est le travail à moindre coût, et c’est la contestation et la lutte sociale qui le dérange. Alors bonne audience !)

Sources : taz.deneues-deutschland.de

(1) Jobcenter (= Arge) est issue de la fusion des agences pour l’emploi et les services d’aide sociale qui, avant les réformes Hartz, étaient responsables du versement de l’aide sociale, l’équivalent du RMI en France.

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