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Le plus grand tribunal des affaires sociales de l’Allemagne qui se trouve à Berlin vient de recevoir la 50.000e procédure d’opposition concernant la réforme du marché du travail Hartz IV.

Michael Kanert, juge au tribunal des affaires sociales, s’exprime au Deutschlandfunk, une grande chaîne de radio allemande : « Quand la loi Hartz 4 était entrée en vigueur en 2005, les juges s’étonnaient, car ils ne recevaient presque aucun dossier d’opposition aux avis émis par les « Arge » [1], mais l’absence des plaintes n’allait pas durer très longtemps. Le nombre des procédures concernant Hartz 4 allait monter en flèche, et une fin de la montée n’est actuellement pas en vue. »

Cela signifie qu’un « Hartzi » plaignant doit désormais attendre la décision de son affaire pendant plus qu’une année. Michael Kanert avoue que l’augmentation des nombres d’affaires est extraordinaire, et il se demande pourquoi. La plupart des cas d’opposition concernent les avis sur le loyer d’un bénéficiaire de Alg2, sigle de l’allocation de chômage comparable à l’ASS en France. Le législateur est resté dans le vague sur plusieurs terrains : « Le loyer et le chauffage seront intégralement pris en charge s’ils sont raisonnables’« . Et ce qui est raisonnable et ce qui ne l’est pas n’est pas précisé dans les textes de lois, ce qui laisse une grande marge de manœuvre aux Jobcenters et aux agents qui traitent les dossiers. Les décisions individuelles peuvent être disparates d’un cas à l’autre, et les personnes qui devraient bénéficier de prestations, qu’elles soient demandeur d’emploi ou travailleur pauvre, se laissent de moins en moins marcher sur les pieds : elles contestent les décisions et vont devant les tribunaux.

L’idée de Hartz était une simplification des procédures – tout devrait aller plus vite, les allocations devaient venir d’un seul organisme. La réalité est devenue une usine à gaz, car les décisions traitent tous les détails, ça va du chauffage, de l’électricité, des frais de déplacement pour l’enfant qui va dans une école éloignée jusqu’aux déménagements et rénovations d’un appartement. Il y a des « déménagements forcés » car la surface « autorisée » de l’appartement d’un « Hartzi » dépasse d’un mètre quarré, l’enfant ne devrait pas aller au lycée mais préparer un apprentissage pour travailler rapidement, d’après l’avis de quelques conseillers zélés etc. – les possibilités de conflits sont nombreuses.

Il y a actuellement 40 juges à Berlin qui s’occupent exclusivement des oppositions juridiques aux avis des Jobcenters. Le Sénat de Berlin a assuré 40 postes de juges supplémentaires pour les procédures Hartz 4. Mais Kanert reste pessimiste : « Tous les juges qui s’occupent des cas Hartz 4 devraient s’enfermer pendant une année entière dans leurs bureaux pour venir à bout de la pile des dossiers, et seulement si on faisait cela, on pourrait traiter les dossiers futurs dans un délai raisonnable. » C’est une critique implicite au législateur qui a fait des lois qui sont impratiquables.

En outre, le turn-over dans les jobcenters est très élevé (quid des conditions de travail ?) ce qui s’exprime par un manque de connassisances et de compétences. Le système informatique n’est pas adapté à la réalité.

Lahnert : « Une fois un retraité m’a écrit plein d’amertume : Justice delayed is justice denied. (Une justice en retard est une justice refusée). C’est une phrase que nous prenons très au sérieux. »

Le journal Focus online donne un exemple :

Une femme, 36 ans, fait une formation pour devenir orthophoniste. Parce qu’elle a changé d’école pour des raisons d’un conflit à l’école, le Jobcenter de Berlin lui a supprimé l’allocation de chômage, car « l’ancienne décoratrice n’aurait pas respecté son contrat d’insertion« . Au tribunal, la femme se défend : « Vous voulez bien me laisser parler ? Je vous ai laissé la parole, alors… » – brusque-t-elle son conseiller qui ne veut pas la laisser s’exprimer. Devant le tribunal, le conseiller de l’Arge est moins sûr de lui que quand il est seul avec sa « cliente » dans son bureau. « Changer d’école n’est pas possible » dit-il en regardant le sol. Le juge est d’un tout autre avis : Dans le contrat d’insertion n’est pas précisé qu’un changement d’école ne serait pas autorisé. Le jobcenter devra continuer à payer l’allocation et verser un rappel pour la période d’interruption de paiement.

Depuis l’introduction de Hartz 4 en 205, le nombre d’affaires au tribunal social a augmenté de 75%. Presque la moitié des personnes qui s’opposent juridiquement à une décision d’un Jobcenter ont gain de cause.

Sources : focus.detagesspiegel.dedradio.de (podcast)


[1] Arge = Arbeitsgemeinschaft, service administratif issu de la fusion d’une agence pour l’empoi avec le service social

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